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Didactique de l’écriture et critique génétique

Un chantier nouveau : celui d’une didactique du prérédactionnel, offrant aux enseignants des outils pratiques et théoriques pour comprendre ce qui se passe avant le brouillon rédactionnel (un premier jet et des réécritures).

Membres de l'équipe (IUFM de Rennes, Site de Saint-Brieuc)

Anne le Baut (professeur de Lettres, lycée Rabelais de St-Brieuc), Sylvie Pinay Stanquic (PEMF, Ecole des Merles de St-Brieuc), Charlotte Lumbroso (professeur de lettres collège de la Binquenais, Rennes), Ingrid Lesueur (Professeur de Lettres, Lycée Sévigné de Cesson), Marie-Dominique Berthelier (IA-IPR, Académie de Rennes), Marie-José Moussu (CPC Académie d’Aix-Marseille), Olivier Lumbroso (MCF, responsable du GRI)

QUESTIONNEMENTS INITIAUX SUR LES PRATIQUES DU BROUILLON

Perspective générale sur le brouillon

La didactique du français des trente dernières années a mis en évidence la complexité de l’acte d’écrire, et a orienté les propositions d’apprentissage afin que l’élève, dès son plus jeune âge, entre dans une pratique scripturale étayée par l’enseignant, et que soit stimulée son envie d’écrire et de réécrire, au sein de projets socialisés faisant sens. La thèse didactique fondamentale réside dans l’idée que c’est e  n écrivant qu’on apprend à écrire, aux antipodes des deux logiques qui consistaient à penser qu’il faut apprendre à écrire avant d’écrire (imitation de modèles au début du XXè siècle) ou qu’il faut apprendre à écrire après avoir écrit (l’expression libre des années 70). C’est pourquoi le brouillon textualisé occupe aujourd’hui, à juste titre, une place si privilégiée dans les approches modernes de l’écriture scolaire. Les recherches sur les corpus de brouillon, dans la lignée des travaux fondateurs de Claudine Fabre-Cols, montrent l’importance de cet écrit préparatoire dans les acquisitions, la socialisation et la construction de la personnalité de l’élève. Pourtant, le brouillon classique peut aussi s’avérer limité.

Une question pour la recherche : les limites de la textualisation

En effet, au sein du cadre didactique précédemment décrit, l’élève va prendre son cahier de brouillon puis va « entrer en textualisation » : il se jette dans ce que la critique génétique a appelé une forme d’écriture à processus : l’élève, comme certains écrivains (Proust, Stendhal…), n’établit pas préalablement un programme préparatoire (un plan, une liste, un croquis, des notes, des fiches…) mais textualise in medias res, puis passe de ce premier jet à sa version définitive. Cet acte, pour l’élève, est souvent une habitude naturelle, voire même un réflexe. Or, il s’agit seulement d’un modèle culturel possible, comme nous l’apprend la critique génétique. Malgré tout, il s’est imposé dans nos pratiques scolaires depuis des décennies, notamment pour aborder les genres narratifs.
Les enseignants confessent pourtant, en pratique, la faible efficacité de ces brouillons rédigés du texte, du point de vue de la « révision » : les scripteurs débutants font le toilettage orthographique en surface, mais ils ne parviennent pas toujours à le modifier au-delà. Des raisons l’expliquent certainement: insérer précocement le brouillon dans le tissu syntaxique de la phrase, du paragraphe et du texte, revient, pour certains d’élèves, à demander à un maçon de cimenter un mur avant d’en avoir agencé les briques. Pour un jeune scripteur, les modifications seront coûteuses dans un brouillon rédigé où il faudra refondre, au moyen de suppressions, de déplacements ou d’ajouts, les ligatures logico-temporelles qui ont fixé, parfois figé, les structures du texte. Signe que le raturage dans le brouillon textualisé ne peut pas tout accomplir : si l’élève est capable de révision à l’échelle du mot ou de la phrase, il lui est difficile, par ce seul moyen, d’envisager les rapports entre la partie et le tout, la rature locale et le sens global, la microstructure de la phrase et la macrostructure du discours. En partant de la description de ces pratiques scripturales, l’hypothèse peut être faite que la textualisation précoce du brouillon peut aussi constituer, pour certains élèves, un maillage morpho-syntaxique qui limite les dynamiques profondes de la réformulation chez un scripteur devant tout à la fois répondre aux consignes du sujet, inventer, construire et réviser, dans l’action même de formuler son discours.

CRITIQUE GENETIQUE ET DIDACTIQUE DU BROUILLON : LES PERSPECTIVES NOUVELLES  DE L’ECRITURE A PROGRAMME

 

Le cadre conceptuel

Afin de proposer des solutions aux apories décrites précédemment, d’autres formes d’écrits préparatoires, inspirées par les avant-textes des écrivains sont susceptibles de transferts scolaires qui permettraient de repenser les relations de la mise en texte et de la planification. Les types d’écritures dites à programme, qui font « précéder l’écriture par un travail de conception préliminaire, sous la forme de plan, scénarios, notes ébauches, recherches documentaires » (P.M. de Biasi) proposent des outils susceptibles d’apporter des solutions. En effet, écrire un canevas préalable, dresser un plan général du récit, rédiger des fiches sur les personnages, dessiner les croquis des lieux fictionnels, se donner des auto-consignes d’écriture constituent autant de moyens pour déplier l’acte de création, le décomposer en éléments constitutifs au sein d’un programme souple qui les fait interagir.  Un chantier nouveau se dessine donc : celui d’une didactique du prérédactionnel, offrant aux enseignants des outils pratiques et théoriques pour comprendre ce qui se passe avant le brouillon rédactionnel (un premier jet et des réécritures). Plusieurs questions se posent alors:
1-comment l’écriture à programme peut-elle enrichir les pratiques scripturales des élèves, à des niveaux et dans des projets différents ? 
2-comment l’écriture à programme et le brouillon classique rédigé peuvent-ils être complémentaires dans la construction et la rédaction du récit ?
3-quels supports (cahiers, classeurs…) permettront de développer les interactions entre les deux types d’écriture ?
4-existe-t-il des situations d’apprentissage privilégiant plutôt l’une ou l’autre démarche ?
5-dans le cadre de la différenciation et de l’individualisation, peut-on déceler des profils d’élèves relevant davantage d’un type d’écriture ?
6-les élèves en difficulté sont-ils aidés par l’écriture à programme ? 

Expérimentations mises en place


L’écriture à programme et ses liens avec l’écriture à processus ont été à étudiés durant les années 2006-2008 dans des contextes complémentaires afin de pouvoir observer en premier lieu les formes d’appropriation de ces démarches par les élèves, afin aussi de mettre à l’épreuve nos propositions théoriques :


Ecole :


-Le recours à un croquis des lieux préalable au brouillon pour produire un texte narratif court (école, cycle 3).
-Le recours à un scénario et à un dessin de personnages pour produire le brouillon d’une nouvelle longue (école, cycle 3).
-Le recours à un cahier à idées programmatique pour confectionner un carnet de voyage (école, cycle 3).
L’activité graphique reste souvent désolidarisée de l’écriture narrative. Or, là où le système scolaire conserve encore une séparation entre le langage graphique et le langage verbal, la critique génétique ouvre des horizons sur des « écritures à programme » qui abouchent les deux systèmes sémiotiques et dévoilent des artistes baptisés « écrivains-dessinateurs » (Zola, Stendhal, Valéry…). Loin de juxtaposer les deux activités, l’originalité de la démarche réside dans leur intrication transgressive au cours de la genèse des œuvres. L’expérimentation souhaite répondre à cette problématique: est-ce que ce langage hybride, grapho-verbal, ne prend sens que chez les écrivains, faut-il se limiter à son usage chez les scripteurs-experts ou, au contraire, peut-il aider aussi des enfants débutants, en milieu scolaire, à entrer dans les apprentissages de l’écriture narrative ?

Collège :

Le recours à l’auto-commentaire et à l’auto-consigne (soliloque ou élaboration dialoguée et concertée) visant à développer une compétence métatextuelle de l’élève sur son projet d’écriture et ses intentions esthétiques. (collège 6ème et 5ème sur le type descriptif).

Lycée :

Le recours à une écriture programmatique intégrant l’auto-consigne, la note d’intention, le croquis, et l’élaboration dialoguée en atelier, afin d’écrire des nouvelles respectant un cahier des charges. (Seconde).

VALORISATION DE LA RECHERCHE

Journées d’études organisées dans le cadre du « super-GRI » de l’IUFM de Bretagne, en 2007, 2008. 

Articles dans des revues à comité de lecture :

Olivier Lumbroso, « Esquisse d’un dialogue entre didactique de l’écrit et critique génétique : l’élève « auteur-dessinateur », Revue Française de Pédagogie, n°159, juin 2007.
Olivier Lumbroso : « Pour une didactique du pré-rédactionnel », Genesis, n°30, 2008 (à paraître)
Olivier, Lumbroso. La critique génétique au lycée : auto-consignes et écrits préparatoires, Le Français aujourd’hui, n°160, mars 2008.

Colloques internationaux :

Olivier, Lumbroso. Critique génétique et socle commun : nouveaux outils, nouveaux défis, dans les actes du colloque : « Français/littérature, socle commun : quelle culture pour les élèves, quelle professionnalité pour les enseignants ? », organisé par Catherine Tauveron, 12-14 mars 2008, INRP, Lyon. 
Olivier Lumbroso. De l’écolier à l’écrivain : critique génétique et perspectives innovantes sur l’écriture d’invention, dans les actes du colloque « De la France au Québec : l’Ecriture dans tous ses états », 12-15 novembre 2008 à l’IUFM de Poitiers.                                     
Olivier Lumbroso. Equité et efficacité dans le cadre d'une didactique du pré-rédactionnel. Dans les actes du colloque "Efficacité et Equité en éducation", à Rennes-II, du 19 au 21 Novembre 2008.

Coordination d’ouvrage :

Coordination du n° 40 de la revue Repères, « Ecrire avec / sur / de la littérature » (en collaboration avec Claire Doquet-Lacoste et Catherine Tauveron), décembre 2009.


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